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> L’église Saint-Pierre Saint-Paul du Mesnil-Villeman a le privilège de posséder dans son chœur une verrière datant de 1313. Elle correspond au plus ancien exemple daté (inscription même sur le vitrail) utilisant du jaune d’argent. Cela fait de ce vitrail un millésimé.
> Petite histoire du jaune d’argent : il s’agit d’une peinture sur verre qui fait partie des couleurs de cémentation. La cémentation est une coloration obtenue par des sels métalliques qui pénètrent dans la masse du verre pendant la cuisson. Le jaune d’argent n’apparait en occident qu’au début du XIVème siècle. A cette même époque, la qualité des verres s’améliore, ils sont plus fins, plus réguliers et plus limpides. Mais le jaune d’argent révolutionne la technique du vitrail et de la peinture sur verre. On peut désormais ajouter la couleur jaune sur une même pièce, sans la séparer par un plomb. On s’en servira alors pour colorer les chevelures, les bijoux, les couronnes, les sceptres et les éléments architecturaux, les vitreries ornementales ou même des fenêtres.
Cette technique est d’ailleurs capitale dans l’histoire du vitrail. Elle est ici largement utilisée sur l’ensemble de la verrière. Il y est représenté un donateur ecclésiastique, ici à genoux, présenté à Saint Pierre sous une double arcade, accompagné d’une inscription de donation par Guillaume de l’Espin en 1313. On remarque ici que l’application de jaune d’argent est parfaitement maîtrisée car elle apparait aussi bien dans les motifs figuratifs que dans la décoration. Elle est à la fois présente sur la face externe et interne du verre, sur le verre blanc mais aussi sur le verre bleu auquel il donne alors une teinte verte (le maître verrier s’est servi de cette technique pour faire apparaitre en vert les ombres des chasubles bleues).
Evidemment, il est peu vraisemblable que le jaune argent soit apparu au Mesnil-Villeman, même si notre modeste église avait acquis un caractère de prieuré-cure (grâce à son appartenance à l’abbaye des Prémontrés de Belle-Etoile, dans l’Orne). De nombreux historiens, dont Jean Lafond qui a étudié le vitrail (prévenu de son existence grâce au chanoine Delaporte), situent ses origines à Paris aux alentours de 1300 et ceci malgré la disparition des vitraux de cette époque dans la capitale. Pour ce qui est de la Normandie, le jaune argent fut utilisé pour la première fois, dans les prestigieuses figures de la Cathédrale de Rouen, mise en place probablement autour de 1307 (grâce aux indulgences accordées par le Pape afin que la chapelle soit achevée).
> La verrière de notre église a été signalée en très mauvais état en 1953. Elle fut restaurée en 1974 par le peintre verrier Avice, situé au Mans. C’est grâce à cette restauration et par le travail du peintre que les motifs de la moitié basse prirent tous leur sens. D’éléments grisâtres remployés au milieu d’une simple vitrerie, sans bordure (on peut voir le vitrail avant sa réfection sur les photographies de Jean Lafond), le peintre a complété les grisailles, a retiré le petit socle architectural daté du XIXème siècle pour le placer tout en bas.
> En 1998, le petit vitrail fut démonté et conduit à Paris pour figurer à l’exposition « L’Art au temps des rois maudits, Philippe Le Bel et ses fils, 1285 – 1328 ». Là, il fut de nouveau restauré par l’atelier Tisserand.
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